Le 1er prix Jean d’Ormesson décerné à Jacques Stephen Alexis

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Le 1er prix Jean d’Ormesson décerné à Jacques Stephen Alexis

Météore des lettres haïtiennes, l’écrivain et intellectuel engagé Jacques Stephen Alexis, probablement assassiné en avril 1961 à 39 ans, est devenu mercredi le premier lauréat du prix Jean d’Ormesson pour son chef d’œuvre “L’espace d’un cillement” (Gallimard/L’imaginaire).

Le prix Jean d’Ormesson est un prix “qui ressemble (à Jean d’Ormesson), un prix qui célèbre les livres, la grande affaire de sa vie”, avait expliqué sa fille Héloïse d’Ormesson en annonçant, début mars, la création de ce nouveau (et original) prix littéraire.

“Ni l’époque, ni la langue, ni le genre n’entraveront le choix des douze jurés. Seuls leurs goûts, leur complicité et une certaine forme d’affinité élective guideront leur sélection”, avait-elle prévenu.

“L’espace d’un cillement”, paru en 1959, est un chef d’œuvre du “réalisme merveilleux”, genre littéraire lancé par le Cubain Alejo Carpentier. Ce roman d’amour est porté par une écriture incandescente. Livre écrit au présent, chaque chapitre est découpé au rythme des cinq sens (la vue, l’odorat, l’ouïe, le goût et le toucher).

Tout se passe, le temps de la Semaine sainte, dans un bordel de Port-au-Prince, le “Sensation Bar”, où se croise toute une humanité en souffrance. On suit Niña Estrellita, prostituée cubaine convoitée par les soldats américains (Les États-Unis ont occupé Haïti de 1915 à 1934). Il y a aussi El Caucho, militant syndicaliste, défenseur des opprimés, qui aimerait arracher Niña à la prostitution.

Le roman nous fait découvrir alternativement les pensées de l’un et de l’autre. Jacques Stephen Alexis avance par petites touches sensorielles (“le premier jour ils se verront”…). Ces deux là vont devenir amoureux “l’espace d’un cillement”.

Le livre, sensuel et poétique, est aussi une ode à Haïti: ses odeurs, sa musique, sa rage de vivre.

Écrivain proche de Louis Aragon (un des auteurs préférés de Jean d’Ormesson) et d’Aimé Césaire, Jacques Stephen Alexis, né en 1922, a inspiré toute une génération d’écrivains dont le Canadien d’origine haïtienne Dany Laferrière, collègue de Jean d’Ormesson à l’Académie française et membre du jury présidé par Françoise d’Ormesson, épouse de l’auteur d'”Au plaisir de Dieu”.

Militant communiste, Jacques Stephen Alexis, par ailleurs médecin neurologue, fut de tous les combats révolutionnaires de la fin des années 1950 (il rencontra sur son chemin le Vietnamien Ho Chi Minh, le dirigeant chinois Mao Zedong, se lia d’amitié avec Ernesto Che Guevara) jusqu’à son probable assassinat après avoir été torturé par des sbires du dictateur François Duvalier à Haïti au printemps 1961.

L’an dernier, l’éditeur Zulma a retrouvé “par miracle” la suite, malheureusement inachevée, de “L’espace d’un cillement” qui a été publiée sous le titre “L’étoile Absinthe”.

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