Le sénateur Youri Latortue a l’air de ne plus s’appartenir. Depuis samedi, dans la foulée de l’attaque au gaz lacrymogène au Café Trio où il tenait une conférence-débat sur la dilapidation des fonds PetroCaribe, et qui s’est soldée par un mort et une dizaine de blessés, le parlementaire, par médias interposés, multiplie les scuds, les révélations. Youri Latortue a déjà identifié les « criminels » qui ont perpétré ce drame. « C’est presque un carnage, presque un génocide », extrapole le président de la commission Ethique et Anticorruption du Sénat, appelant les chefs à mettre la main au collet des bandits le plus vite possible.
Le parlementaire accuse deux policiers affectés à la sécurité du délégué départemental du Nord qui auraient ourdi l’attaque. Ces deux policiers, à savoir Pierre Eddy Junior et Loffe Jerry, ont transmis le gaz lacrymogène à Youmi, le chauffeur du délégué départemental, chargé de frapper le coup fatal, enchaîne Youri Latortue. « La grenade lacrymogène a été lancée par Youmi. Les deux autres ont peut-être aidé à fermer les portes », soutient-il, rappelant que deux autres individus, qui travaillent à l’APN, ont, la veille, menacé de faire dérailler la conférence, prétextant qu’ils sont payés pour ça et ont exigé en échange des pots-de-vin de son chef de cabinet.
Les auteurs matériels de l’attaque seraient sur le point de prendre le maquis, en franchissant la frontière de la République dominicaine, si l’on en croit Youri Latortue. Il souligne que, quelques jours avant la conférence, des chefs de Port-au-Prince s’étaient réunis avec le délégué départemental et le directeur départemental de la PNH. Il n’en a pas dit plus mais pointe du doigt la nécessité de trouver les auteurs intellectuels. « Le gaz est lancé de l’intérieur de la salle, non de l’extérieur !», argue Youri Latortue, rappelant qu’il a déjà écrit au président du Sénat, lui demandant d’exiger une enquête et lui a transmis toutes les données dont il dispose.
Il faut en finir avec l’impunité en Haïti, martèle Youri Latortue. Il va veiller au grain parce que, rappelle-t-il, le même gaz a été lancé en 2014 dans un lycée de la cité christophienne et on en connaît les terribles conséquences, sans que personne soit mis derrière les barreaux. « Ce dossier est à la cour d’appel. On sait qui a été convoqué par la justice. Il n’y a jusqu’à présent eu aucun suivi parce que cette personne est un proche du pouvoir », affirme, sans nommer personne, celui qui promet d’écrire à la Cour interaméricaine des droits de l’homme et aux parlements du monde entier pour les mettre au parfum de ce qui est arrivé.
« Aucun policier n’est venu nous aider à la suite du drame. Aucun responsable. C’est quelque chose qui a été planifié […]. », déplore Youri Latortue. Le parlementaire, qui fait sienne la lutte contre la corruption, indique avoir parlé au Cap-Haïtien de plusieurs cas de corruption, notamment la « construction bâclée » de l’aéroport dont la piste d’atterrissage était impraticable il y a peu. Pourquoi des secteurs auraient recouru à du gaz pour saborder une causerie autour du dossier PetroCaribe ? La réponse de Latortue fuse : « Ceux qui ont volé l’argent de PetroCaribe ont des bras longs. Malheureusement au niveau de l’Etat, il y a des gens qui les protègent. Ceux qui ont mangé l’argent ont peur parce que la société s’approprie le dossier PetroCaribe et que partout des conférences sont tenues autour de la question. […]»
Juno Jean Baptiste