Le génie créateur du créolophone haïtien : PetroCaribe et compagnie

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Culture –
Par Fortenel Thélusma

I- Introduction :

Depuis un mois environ une mobilisation de plus en plus forte et multiforme (marche, sit-in, manifestation, etc.) occupe sans cesse l’actualité pour exiger la restitution du fonds PetroCaribe gaspillé par les pouvoirs en place en Haïti de 2008 à 2016. En effet, presque tous les jours, à Port-au-Prince et les localités environnantes, dans les villes de province et même dans la diaspora, le mouvement prend de l’ampleur au point qu’il fait aussi la une de l’actualité dans certains médias étrangers (RFI, France 24, Radio Canada, etc.).

«Kot kòb PetroCaribe a ?». Voilà le slogan scandé par les participants de toutes les manifestations. Cette interrogation transformée en slogan est affichée partout. Sur les murs. Dans les banderoles. Et diffusée, partagée sur tous les réseaux sociaux. PetroCaribe, ce maître mot, a donné naissance à une kyrielle d’autres unités lexicales venues enrichir davantage la langue créole.

Cet article se propose donc d’analyser ces éléments linguistiques après avoir évoqué brièvement l’intégration d’Haïti au PetroCaribe, le contexte de la publication des rapports des commissions présidées respectivement par les sénateurs Latortue et Beauplan. Celles-ci visaient à faire le jour sur la dilapidation de 3.8 milliards de dollars américains – fonds PetroCaribe- destinés préalablement à aider Haïti.

II- Bref historique du Petrocaribe

PetroCaribe, qu’est-ce que c’est ? Quel rapport avec Haïti et les Haïtiens ?

Il s’agit d’abord d’une alliance entre les pays des Caraïbes et le Venezuela, 1er exportateur de brut latino américain, leur permettant d’acheter le pétrole à ce dernier à des conditions de paiement préférentielles. Cette alliance créée en septembre 2005 regroupe aujourd’hui 18 pays. Haïti a rejoint l’Alliance (le PetroCaribe) en avril 2006 après l’élection de René Préval. En septembre 2005, le Venezuela ne reconnaissait pas le gouvernement en place (Source : Wikipédia). Contrairement à d’autres pays, comme la République dominicaine, les réalisations de la République d’Haïti à partir du fonds PetroCaribe sont invisibles. Pire, 3.8 milliards de dollars américains se sont envolés en fumée. C’est pourquoi plus d’un considère que c’est «la plus grande opération de corruption et de détournement de fonds publics de l’histoire de la République d’Haïti» (Idem).

Les informations relatives à la dilapidation de ce fonds ont été révélées dans le «Rapport de la Commission sénatoriale spéciale d’Enquête sur le fonds PetroCaribe couvrant les périodes annuelles allant de septembre 2008 à septembre 2016». Publié en octobre 2017, ce rapport compte plus de 600 pages. On rappellera que cette commission présidée par le sénateur Evallière Beauplan est venue compléter celle dirigée par le sénateur Youri Latortue dont le rapport a été remis le 17 août 2016 à Ronald Larêche, président du Sénat à l’époque.

III- Mobilisation et slogans : PetroCaribe et compagnie.

Vu l’absence de volonté de la part des autorités politiques d’adopter les mesures judiciaires appropriées afin de punir les coupables du détournement du fonds PetroCaribe, des secteurs de la société civile n’ont de cesse de descendre dans la rue exigeant la restitution de ce fonds au cri de «Kot kòb PetroCaribe a ?». Suite aux premières manifestations en Haïti, on notera «le lancement de #petrocaribe challenge le 14 août 2018 par le cinéaste Gilbert Mirambeau» (Source : France 24). La lutte pacifique pour obtenir clarification sur l’usage des 3.8 milliards de dollars américains, dans les marches, les manifestations et sur les réseaux sociaux, sert de prétexte pour exposer au grand jour tous les problèmes auxquels la population se trouve confrontée : judiciaire, politique, économique, etc. Aussi les revendications transparaissent-elles dans les nouveaux concepts / mots créés au gré des différentes manifestations. En voici quelques-uns entendus à la radio, lus dans les journaux, sur les réseaux sociaux ou les affiches. La liste des 26 unités énumérées ci-dessous est loin d’être exhaustive, tous les médias n’ayant pas pu être consultés (télévisions, journaux) et les éléments linguistiques prenant naissance au fil du temps et des évènements.