Haïti – Justice: Des policiers hors-la-loi font régner la terreur impunément!

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12 octobre 2018 Rezo Nodwes

Bavures policières, bastonnades, menaces, traitements cruels, inhumains et dégradants : Le RNDDH invite le CSPN à sévir contre les agents impliqués

Vendredi 12 octobre 2018 ((rezonodwes.com))– Le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) a dressé un tableau sombre d’actes commis par des agents de la Police Nationale d’Haïti (PNH) et de l’inaction de l’inspection générale de la NH dans certains cas. Le RNDDH demande aux dirigeants de l’institution de sévir contre les fautifs.

1. Au cours de la période allant du 4 juillet au 9 octobre 2018, le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) a recensé seize (16) cas de violation des droits humains perpétrés par des agents de la Police Nationale d’Haïti (PNH). Des seize (16) victimes dénombrées par l’organisation, six (6), soit 37.5 %, sont des intervenants du secteur judiciaire.

2. Alarmé par cette situation, le RNDDH juge opportun d’attirer l’attention des autorités concernées notamment du Conseil supérieur de la police nationale (CSPN), dans le but de les inviter à prendre rapidement les mesures appropriées.

Résumé des cas recensés

3. Le 4 juillet 2018, vers 5 heures de l’après-midi, à Grand-Goave, Schenly BELLERICE affecté à l’Unité départementale pour le maintien de l’ordre (UDMO) poursuivait un individu, lorsqu’il a fait feu. Fabienne NAZAIRE qui se trouvait sur la galerie d’une maison qu’elle fréquente habituellement, a reçu une balle au genou droit. Un proche de la victime, Jean Wébert Jocelyn MILORD a porté plainte au commissariat de Grand Goave. On lui a affirmé sur les lieux que l’agent de police en question se nomme Gary. Le 5 juillet 2018, le policier fautif s’est rendu à la maison de Jean Wébert Jocelyn MILORD et l’a menacé de s’en prendre à lui si jamais le dossier suivait son cours.

4. Le 6 juillet 2018, Michelet FRANÇOIS, un agent de sécurité affecté à une succursale de Western union localisée à l’angle de la Rue Nord Alexis et de l’Avenue Poupelard, était sur le point de partir après avoir bouclé sa journée de travail lorsqu’il a demandé à Thérius HYPPOLITE un pompiste de la station d’essence contiguë à la succursale susmentionnée, de recevoir les clés du bâtiment. Pour se déplacer, Thérius HYPPOLITE s’est excusé auprès du client qu’il servait, savoir un agent de la Swat Team, monté à bord d’une motocyclette et connu sous le sobriquet de Sepam. Offusqué de ce que Thérius HYPPOLITE n’ait pas d’abord fini de le servir, il s’en est pris à Michelet FRANÇOIS, l’a invectivé puis lui a tiré dessus. Michelet FRANÇOIS a reçu deux (2) projectiles dont un à la main gauche et l’autre, au thorax. Il a perdu son majeur. Il s’est rendu à l’Inspection générale de la PNH qui lui a affirmé ne pas pouvoir ouvrir une enquête parce qu’il ne connait pas le nom de son agresseur.

5. Le 2 août 2018, vers 9 heures du soir, le policier Wedmer Junior ABELLARD s’est rendu chez un autre policier, Jean Baptiste DESIR dans le but de récupérer un livre qu’il lui avait prêté. Ce dernier en le lui rendant, a tiré en sa direction et l’a atteint aux côtes, au thorax et au bras droit.

6. Le 28 août 2018, suite au décès d’une dame, un policier connu sous le nom de Robinson s’est rendu dans les entreprises de la zone où habitait celle-ci et a demandé aux propriétaires de fermer leurs portes en signe de respect vis-à-vis de la défunte. Eddy NICOLAS, un homme d’affaires ayant son entreprise à l’angle des rues Chareron et de la Réunion, n’a pas accepté arguant ne pas comprendre l’injonction qui lui est faite. Alors, l’agent Robinson s’est introduit dans l’entreprise de Eddy NICOLAS et l’a vandalisée. Par la suite, il s’en est directement pris à la victime, l’a sévèrement bastonnée, provoquant ainsi des blessures ouvertes au niveau de la tête. A l’Inspection Générale de la PNH, aucun suivi n’est donné à ce dossier.

7. Le 2 septembre 2018, à Gomier, commune des Roseaux, département de la Grand’Anse, un match de football opposant des équipes de quartier s’est tenu. L’agent III Jean Estherlin HOLD, alias San Sousi insatisfait du résultat final du match, monté à bord d’une motocyclette, a décidé de manifester son mécontentement en faisant feu. Duckenson LAFORTUNE a reçu plusieurs projectiles et en est mort. Le dossier a été transféré aux autorités judiciaires par la Service départemental de la police judiciaire (SDPJ).

8. Le 9 septembre 2018, Luckson JEUNE, Donn VERTISMA et Fedjy CHARLES ont été arrêtés à Saint Michel de l’Attalaye. Ils ont été maitrisés et emmenés au commissariat où ils ont été sévèrement bastonnés. Luckson JEUNE a été conduit dans un état critique au centre de santé de Saint-Michel de l’Attalaye. Il est mort des suites des nombreuses blessures qui lui ont été infligées par les agents de la PNH. Les deux (2) autres victimes se plaignent aujourd’hui encore de fortes douleurs au niveau de la hanche et du thorax.

9. Le 11 septembre 2018, Maxi MONTELUS a été abattu d’une balle à la rue Anténor Firmin, aux Gonaïves, par un agent de police.

10. Le 11 septembre 2018, un agent de la PNH affecté à la circulation a demandé à un chauffeur d’autobus assurant le trajet Gonaïves – Saint-Marc de s’arrêter. Ce dernier a décidé de ne pas obtempérer et a tenté de s’enfuir. Ce faisant, il a heurté mortellement une femme. L’agent de la PNH a fait feu en direction du véhicule. Ayant raté sa cible, il a touché à la tête un riverain qui vaquait à ses occupations. Ce dernier est mort sur le coup.

11. Dans la nuit du 15 au 16 septembre 2018, deux (2) policiers ont perdu la vie à l’avenue Muller. Il s’agit de l’inspecteur divisionnaire Jean Kaïto CASSEUS, responsable du service de circulation à Delmas, qui a été touché de seize (16) projectiles et de l’agent II Jackson CORNET qui en a reçu quatre (4). Selon les riverains, Vers 11 heures 30 du soir, le véhicule de l’inspecteur obstruait le passage dans la zone susmentionnée, empêchant toute circulation automobile. Le véhicule dans lequel se trouvait l’agent Jackson CORNET est arrivé et le conducteur a klaxonné à plusieurs reprises. Voyant que cela ne provoquait aucune réaction, Jackson CORNET est descendu du véhicule en vue de s’enquérir de la situation. Il s’en est suivi une altercation au cours de laquelle, l’inspecteur a abattu froidement Jackson CORNET. En représailles, les personnes qui accompagnaient la victime ont riposté et ont criblé de balles l’inspecteur.

12. Le 16 septembre 2018 vers 1 heure du matin, deux (2) adultes se trouvaient dans un véhicule stationné à la rue Camille Léon lorsqu’ils ont été interpellés pour atteinte à la pudeur par cinq (5) agents de la PNH : Joissaint ESTAFORD, Jean Michel BOUMBA, Erneceau JEAN, Frantzky LAGUERRE et Makenson SAINT-JEAN. Ces agents a fait usage d’un téléphone portable pour enregistrer la scène. Les personnes interpellées ont été emmenées au commissariat de Port-au-Prince où les policiers les ont menacées de transférer leur dossier aux autorités judiciaires si elles n’acceptaient pas de négocier. Alors, elles ont versé deux mille cinq cents (2.500) gourdes contre leur libération et la promesse que le dossier ne sera pas transféré. Cependant, à leur grande stupeur, les victimes ont appris qu’un enregistrement publié en ligne par les policiers, était devenu viral sur les réseaux sociaux. Il convient de souligner que dans ce cas, l’inspection générale a recommandé le renvoi définitif de deux (2) des policiers susmentionnés Joissaint ESTAFORD, Jean Michel BOUMBA, et des périodes de mise en disponibilité à l’encontre des trois (3) autres qui étaient impliqués.

13. Le 30 septembre 2018 vers le 5 heures de l’après-midi, Raguel ASTIER lui-même chauffeur de motocyclette et un passager qu’il transportait, ont été blessés par balles. Selon les informations recueillies par le RNDDH, l’incident s’est produit non loin de la station d’essence Total, localisée à l’angle des rues Oswald Durand et Enterrement, au moment où l’agent I Jean Luckson SANSOUCY qui assurait la circulation automobile a ordonné à Raguel ASTIER de s’arrêter. Le policier ayant jugé que le chauffeur ne s’était pas arrêté à temps, a tiré par le collet Raguel ASTIER de la motocyclette avant de faire feu en sa direction. Raquel ASTIER a été touché à la tête. Le passager a été touché au pied.

14. Le 1er octobre 2018 vers midi, des agents de la Brigade d’intervention motorisée ont procédé à la rue pavée, à l’arrestation de Odais DESFORGES, Johnson JOSEPH et de Stevenson MICHEL pour détention illégale d’armes à feu et association de malfaiteurs. Ils étaient montés à bord d’une même motocyclette. Cependant, ils ont tellement été bastonnés au moment de leur arrestation que Odais DESFORGES a perdu connaissance. Emmenés au Commissariat de Port-au-Prince, les autorités policières sur place ont exigé qu’ils soient conduits, en raison de leur état critique, à l’Hôpital de l’université d’Etat d’Haïti (HUEH). Aujourd’hui encore, à la publication de ce document de dénonciation, ils portent de graves contusions au visage.

15. Le 2 octobre 2018, aux environs d’une heure de l’après-midi, Me Cirismond MAURIL et Me Junior CHERETTE montés à bord d’un véhicule longeaient la rue des casernes, lorsque l’Agent IV Jimmy MATADOR, affecté au Corps d’intervention pour le maintien de l’ordre (CIMO), leur a barré la route, en faisant usage de son véhicule de marque Rav 4, de couleur verte, immatriculée BB-66686. Jimmy MATADOR est descendu son arme à la main et d’un air menaçant, a reproché à Me Cirismond MAURIL et Me Junior CHERETTE d’avoir frappé sa voiture. Ces derniers, niant les faits reprochés, ont proposé de faire appel à un juge de paix ou à la cellule responsable des accidents de l’OAVCT. Cependant, ne voulant rien entendre, Jimmy Matador a menacé de les tuer et a brisé l’un des rétroviseurs de leur véhicule. Une patrouille appelée en renfort par les avocats n’est pas intervenue.

16. Le 4 octobre 2018, Me Jerry PETIOTE se rendait à Clercine lorsqu’arrivé dans la zone de Gerald Bataille, l’agent II Thomas WAGNER affecté à la circulation, lui a demandé de se garer pour avoir commis une infraction au code de la route. Me Jerry Petiote a contesté la sanction, arguant n’avoir pas commis les faits qui lui sont reprochés. Il s’en est suivi une altercation au cours de laquelle Me Jerry PETIOTE a refusé de descendre de son véhicule et a affirmé au policier qu’il attendait sa fiche de contravention pour partir. Thomas WAGNER a tiré Me Jerry PETIOTE par le collet, en vue de le forcer à descendre du véhicule, faisant sauter en passant, les boutons de sa chemise. Voyant qu’il subissait une agression, il a tenté d’ouvrir sa portière pour descendre du véhicule. Son pied a alors été coincé par le policier qui l’en a empêché.

17. Par la suite, pour avoir partagé son intention de porter plainte contre lui, l’agent Thomas WAGNER aidé de l’agent II Paulo YVENEL ont procédé à l’arrestation de Me Jerry PETIOTE. En dépit du fait qu’il ait été menotté, les policiers, ignorant la foule amassée autour d’eux, l’ont bousculé et frappé à plusieurs reprises contre une camionnette qui se trouvait non loin de l’endroit où se déroulait la scène. Me Réginald FEVRY, appelé par Me Jerry PETIOTE est arrivé sur les lieux, s’est présenté aux policiers et a déploré le comportement de ces derniers qu’ils trouvaient d’ailleurs très agités. Me Réginald FEVRY a aussi été arrêté. Ils ont été conduits au commissariat de Delmas 33 où ils affirment avoir encore une fois été bastonnés sévèrement dans la cellule où ils ont été gardés à vue. Ce n’est qu’après le tollé provoqué par cette arrestation arbitraire et musclée que les avocats ont été relâchés vers 5 heures de l’après-midi. De plus, le véhicule de Me Jerry PETIOTE a été remorqué. A sa relaxation, il affirme que celui-ci a été fouillé en son absence et qu’il a perdu un montant de vingt-cinq mille (25.000) gourdes, avancé par un client dans le cadre d’un dossier dont il a la charge. Un passant offusqué du traitement infligé aux avocats a aussi été arrêté pour avoir osé opiner à haute voix.

18. Le 9 octobre 2018, Shiller LOUIDOR un responsable de parti politique était attendu au parquet près le tribunal de première instance de Port au-Prince, sur convocation du commissaire en chef. Les autorités policières ont été appelées à renforcer la sécurité de l’espace. Conséquemment, plusieurs agents de la Brigade d’opération et d’intervention départementale (BOID) et de l’Unité départementale pour le maintien de l’ordre (UDMO) se trouvaient dans les couloirs du parquet. Berson SOLJOUR, directeur départemental de l’Ouest s’est personnellement rendu sur les lieux. Cependant, vu qu’à l’arrivée des policiers, Shiller LOUIDOR et ses partisans étaient déjà présents, le commissaire divisionnaire Berson SOLJOUR s’est mis à inviter tout le monde à vider les lieux, arguant qu’il devait œuvrer au bon fonctionnement du parquet.

19. Wilbert RHAU commis greffier en chef au parquet de ce ressort, vaquant à ses occupations, se rendait au carré des archives en vue de superviser l’installation de nouveaux classeurs lorsque Berson SOLJOUR l’a bousculé à plusieurs reprises avant de le frapper à la tempe avec sa radio de communication. Me Elie Diespt AUGUSTIN qui se trouvait non loin de Wilbert RHAU s’est insurgé contre l’intervention du directeur départemental. Ce dernier a encore une fois fait usage de sa radio de communication et a frappé Me Elie Diespt AUGUSTIN à la joue gauche. Les deux (2) victimes portent, à la rédaction de ce document, des ecchymoses à la tête et au visage. De plus, la gravité de la blessure de Wilbert RHAU a porté son médecin à ordonner un scanner.

20. A côté de ces cas, il a été rapporté que lors des auditions à la SDPJ des personnes gardées à vue au commissariat de Port-au-Prince, elles sont régulièrement bastonnées. Elles n’ont pas le droit de faire choix d’un avocat ou d’un témoin, tel que la Constitution et la Loi le leur permettent. De plus, Antoine SERVIUS et Jean Lyonel POLYNICE rencontrés au commissariat de Port-au-Prince ont affirmé avoir été électrocutés à la SDPJ.

Remarques

21. Le RNDDH condamne avec véhémence les cas de violation des droits humains perpétrés par des agents de la PNH, au cours de la période allant de juillet à octobre 2018. Lorsque des agents de la force publique appelés à assurer l’ordre et la sécurité, se mettent à faire usage de l’autorité que leur confère leur statut pour agresser physiquement des membres de la population dont des intervenants de la chaine judiciaire, la situation devient alarmante.

22. Le RNDDH ne comprend pas cette animosité affichée depuis quelque temps par des agents de la PNH vis-à-vis des avocats. Si ce document fait état de cinq (5) d’entre eux qui ont été victimes, ce recensement n’est pas exhaustif et aujourd’hui, plusieurs avocats estiment que le seul fait de décliner leur profession à un agent de la circulation les expose automatiquement à une contravention et à des traitements dégradants. On se rappelle encore le cas de Me Jasmin Nigel ABDUL qui, en date du 4 novembre 2017, à la Rue Ogé, Pétion-ville a été agressé, arrêté puis jeté face contre terre pour être menotté par des agents de la PNH qui lui reprochaient d’avoir des vitres teintées. Après une séance de confrontation à l’Inspection générale, la victime ne sait, aujourd’hui encore, ce qu’il est advenu de son dossier.

23. Le RNDDH rappelle que l’article 10 du Code de déontologie de la PNH stipule que « Toute personne appréhendée est placée sous la responsabilité et la protection de la police ; Elle ne doit subir des fonctionnaires de la police ou de tiers, aucune violence ni aucun traitement inhumain ou dégradant. »

24. De même, l’organisme de droits humains estime très grave que le commissaire divisionnaire Berson SOLJOUR – dont la présence au palais de justice de Port-au-Prince était inexplicable – ait lui-même créé le dérapage pour la prévention duquel il a été appelé. Porter des coups au visage et à la tête est inexcusable. Mais, que des personnes aient été agressées au visage et à la tête par un haut gradé de la PNH est carrément inadmissible. En ce sens, le RNDDH rappelle que selon l’article 150 du Code pénal, tout fonctionnaire public, soit civil soit militaire, …de quelque grade qu’il soit qui aura enfreint ou laissé enfreindre une loi qu’il était par la nature de ses fonctions ou emploi spécialement appelé à exécuter ou faire exécuter, doit être puni.

25. Le RNDDH, tout en reconnaissant que l’Inspection générale de la PNH dispose d’une structure permanente d’accueil des plaignants, estime que le temps de traitement des plaintes est généralement trop long et que les conclusions relatives aux enquêtes menées devraient être communiquées aux personnes concernées. De même, il est inacceptable que des enquêteurs de l’Inspection générale puissent subordonner l’ouverture des enquêtes à la communication, par les victimes, des noms et lieux d’affectation de leurs bourreaux.

26. Le RNDDH reste persuadé que ces dérives fragilisent l’institution policière dont les agents tendent d’une part à se transformer en bourreaux et d’autre part, à convertir les lieux de rétention en centres de torture. C’est pourquoi, tout en soulignant que l’article 5, alinéa 2 de la Convention américaine relative aux droits de l’Homme condamne les actes de torture et les traitements cruels, inhumains et dégradants, l’organisme de droits humains recommande au Conseil supérieur de la police nationale (CSPN) de se pencher rapidement sur l’animosité qui se développe entre les policiers et les avocats, porter l’inspection générale à sévir contre les policiers impliqués dans la violation des droits humains et prendre à leur encontre les sanctions à la hauteur des actes commis.