Un consensus sur le fonctionnement de l’école et des universités en temps de crise

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Idées & Opinions –

Depuis quelques jours, nous assistons impuissants à un déferlement d’une violence sans pareille dans notre pays, notamment à Port-au-Prince. La capitale est devenue une grande prison à ciel ouvert. C’est une capitale assiégée par des bandits qui la bloquent au nord au niveau de Canaan, au sud au niveau de Martissant. Les citadins effrayés restent cloisonnés dans leur demeure. À cela s’ajoutent les grèves sauvages, les violentes manifestations de rue, les menaces verbales proférées par des politiciens et des militants politiques à travers les médias, créant paniques et frayeurs au sein d’une population qui ne sait plus à quel saint se vouer.

Nous entendons avec stupéfaction des hommes qui ont prêté le serment d’Hyppocrate, jurant de protéger la vie, inviter des gens à la détruire ; nous entendons des hommes de loi poussant des individus à commettre des actions illégales, malhonnêtes, répréhensibles, punissables par cette même loi dont ils sont les concepteurs et les farouches défenseurs. C’est le comble!

Ceux qui se disent leaders clament avec dédain pour l’éducation « qu’une semaine ou deux n’abêtiront pas nos enfants ». Mais ils ignorent les dégâts psychologiques qu’ils causeront à nos enfants en les forçant à rester chez eux, alors qu’ils auraient dû être en classe avec leurs maîtres et maîtresses, leurs camarades en train de jouir de la joie d’apprendre. L’école, c’est la vie, c’est l’avenir de nos enfants.

Selon l’Unicef, nous citons : « L’école est le lieu où chaque enfant construit son avenir et reçoit des enseignements qui lui permettent de s’épanouir. Mais quand la guerre fait rage, que la violence atteint des seuils inédits et que le moindre déplacement signifie danger mortel, beaucoup de familles renoncent à offrir à leurs enfants ce qui est pourtant un droit: l’éducation. » L’organisme international précise qu’ « en dépit de la violence qui continue à affecter les Syriens au quotidien, cinq millions de Syriens continuent à aller à l’école ». Alors qu’en Haïti, depuis une semaine, l’école, les universités sont fermées. Impossible pour nos enfants de recevoir ce à quoi ils ont droit: le pain de l’instruction.

Pendant plus de trente ans, nous avons littéralement détruit notre système éducatif. Les années scolaires ont très souvent été interrompues par des grèves, des manifestations émaillées de violences qui poussent parfois les écoles à fermer leurs portes pour éviter que les enfants n’en soient victimes. Veut-on continuer avec ces pratiques malveillantes qui ont depuis trois décennies caractérisé le combat politique ? Combien de générations d’enfants sommes-nous encore disposés à sacrifier pour le besoin d’une cause dont nous ignorons les tenants et aboutissants ?

Nous assistons avec peine à l’impuissance des hommes appelés à nous protéger envers et contre tous.

Et le pire dans tout cela, c’est le spectacle décevant de nos dirigeants sans envergure, complètement dépassés par les événements qui ne savent comment ramener la paix et la sécurité dans la cité.

Mais au-delà de ce sombre tableau, il y a l’avenir de nos enfants. Nous ne pouvons pas le compromettre, nous n’avons pas ce droit pour quelque raison que ce soit.

Fort de ce qui précède, nous invitons les acteurs politiques à trouver un consensus minimal sur le fonctionnement sans interruption de l’école et des universités. On ne peut pas et on ne droit pas empêcher nos enfants d’aller à l’école. C’est inacceptable. Nos grèves peuvent toucher tous les secteurs (transport, manufacture, commerce, services) mais de grâce, épargnez l’école et les hôpitaux. C’est faire preuve d’humanité. Rien n’empêche qu’une grève commence à 8h pour prendre fin à 18h. Le résultat sera le même. Rien n’empêche qu’une manifestation bloque les rues, mais pas l’école. Une lutte démocratique doit respecter les règles démocratiques.

Les acteurs politiques le savent, ils savent aussi que même dans la conduite de la guerre, il y a des règles à respecter. On ne peut pas tuer l’ennemi et mettre le feu à son cadavre, c’est un acte déshonorant et barbare ; on ne peut pas attaquer des ambulances dans la mesure où celles-ci se gardent de tout acte hostile ; on ne peut pas refuser le dialogue quand on se dit démocrate. On ne peut enfin pas détruire la ville que l’on veut gouverner. C’est insensé. Nous appelons donc les acteurs politiques à s’asseoir pour trouver un consensus citoyen pour garantir le fonctionnement des écoles et des universités pour que l’année scolaire ne soit pas perturbée. Montrons-nous à la hauteur des hommes d’État que nous sommes. Dépassons notre ego pour le bien de la patrie commune et des générations futures.

Dr Ricardo Augustin,
politologue – professeur d’université
Tél.: 3193-9045 ricky_august@yahoo.fr