Des fois, la solitude tue : À qui parler de tes blessures ?

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By: Rezo Nodwes 28 mai 2022

Samedi 28 mai 2022 ((rezonodwes.com))–

Digne, tu étais Prof.

Tu déambulais dans la ville de Cabaret jusqu’à l’Arcahaie. Car toutes deux, ces villes ont été trop petites pour héberger tes pensés. Tu me parlais d’expériences et moi je te parlais de passion. Cette passion qui nous rend accro aux livres. Tu me parlais de tes déceptions et moi je te parlais de l’espoir. Cet espoir qui nous attache tous à Haïti.

On se connaît depuis deux ans. Honnêteté était notre boussole et elle le sera pour toujours. Mais pour une fois, on n’a pas été sincère l’un envers l’autre. On s’était promis de se revoir. Et moi, j’y croyais tellement. J’aurais trop aimé qu’on se philosophe une dernière fois de cette vie ici, qui tourne comme un îlot en dérision. Pour une fois, on n’a pas été sincère l’un envers l’autre. Tu ne m’as pas encore présenté tes manuscrits égarés dans les tiroirs, et moi je ne t’ai pas encore présenté mes articles sur toi, puis mes trois manuscrits.

À qui raconter, écrivain tu étais dignement ?
Ce sont les mots qui nous nourrissent, pas les aliments. Tu étais un rongeur. Tu rongeais les livres pour mieux raffiner ton esprit. Tu me parlais des grands auteurs, donc tu étais même avant un écrivain, un grand lecteur. De la simplicité de Dany Laferrière à Jacques Stephen Alexis, du spiralisme de Frankétienne à Dominique Batraville, nous étions curieux de voir plus clair la vie sous ses couleurs teintées de larmes; nous voulons tout savoir.

À qui parler des livres ?
Si la littérature est un ensemble de textes qui invitent les lecteurs à les lire, apprécier et comprendre; qui parcourra avec moi, ce topoï laissé en héritage ?
Desfois la solitude tue, et seuls les mots peuvent nous combler de l’injustice humaine Prof.

À qui dire, les bêtises de notre pays t’ont mangé ?
Tu étais un valeureux enseignant. Tu enseignais la vraie vie dans tes cours. Tu parlais aux enfants de l’espoir, de l’amour et du patriotisme. Mais c’était insuffisant pour les bourreaux. Ils ont mangé ton courage comme ils l’ont fait pour nos aînés. Ce qui m’attriste c’est que tu es parti sans me prevenir. Pour une fois, on n’a pas été sincère l’un envers l’autre. Tu n’as pas eu le temps de me montrer ta minuscule biblio.

À qui parler mes regrets ?
Un ami fidèle tu étais. Tes chroniques ne sont même pas encore publiées dans notre journal. La maison d’édition Coup de Pouce meurt sans un coup de pouce. La vie littéraire va sombrer à Cabaret, cette ville que tu as épousé des années Prof. Mais la relève ne tardera pas à s’assurer, car je sais ce que valait un homme comme toi. Tes semences se reprendront dans toute la ville quand les rayons de pluie s’y plongeront.

À Mackintong Gélin
Professeur de littérature et amoureux de livres.
Mercredi 25 Mai 2022

Bidler Nelson
bidlernelson@gmail.com