Gorbatchev et la fin de la Guerre Froide : rendez à César ce qui est à César

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By: Rezo Nodwes 5 septembre 2022

Rhodner J. Orisma, PhD-ABD

Lundi 5 septembre 2022 ((rezonodwes.com))–

Les funérailles de Mikhaïl Gorbatchev ont eu lieu à Moscou, le samedi 3 juin 2022. Dernier chef d’Etat (1985-1991) de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), Gorbachev, 91, est décédé le mardi 30 août 2022. Il était l’une des plus grandes figures du XXe siècle. Certes! Mais d’une manière particulière, il était une figure incomparable.

Il a su prendre en temps opportun une décision majeure, très controversée ou risquée de reformer le régime de l’URSS par rapport à ses limites face au libéralisme en plaçant les droits inaliénables à la vie comme ceux de la liberté individuelle, la liberté d’expression, et toute forme d’aspirations démocratiques de l’homme au-dessus des idéologies politiques majeures. Il a fait, à travers cette vision, preuve d’un ultime dépassement de soi.

Ici implique le contexte dans lequel Gorbatchev a aussi œuvré pour la fin de la guerre froide et réduire le spectre des tensions Est-Ouest. Par contre, disons qu’il y a toujours une « misconception » dans des approches diplomatiques et géopolitiques concernant l’idée d’attribuer le crédit  de mettre fin à la guerre froide au seul président américain Ronald Reagan (1981-1988). Pour rectifier ces approches, les analystes politiques doivent considérer l’évolution de la situation en Europe de l’Est à partir de la constitution du bloc de l’Est même et la position de Gorbatchev de son arrivée au pouvoir en 1985 jusqu’à 1989.

La politique américaine anti-guerre froide et anti-communiste de Reagan ne pourrait à elle seule renverser un système aussi rude et dynamique comme le communisme. Le renversement du système en question avait commencé par un processus interne connu à partir de la division de l’Europe après la Seconde Guerre mondiale (1945) ou à la fin des années 40. La plupart des gens de l’Europe de l’Est n’ont jamais accueilli vivement le nouveau régime avec son style et la qualité de vie promis. 

Certains événements montrent qu’ils ont tendance à fuir leur pays pour chercher du travail et une vie meilleure dans les pays capitalistes ou occidentaux, alors que les habitants de ces derniers ne se déplacent pas vers un pays socialiste avec cette intention. La division de l’Allemagne en deux parties en 1949 et la tentative révolutionnaire de 1956 en Hongrie peuvent corroborer ce point de vue.

Les événements historiques, par exemple, à Berlin-Est (la République démocratique d’Allemagne [RDA], qui faisait partie de la zone d’occupation soviétique de l’Allemagne) et à Berlin-Ouest (la République fédérale d’Allemagne [RFA], qui ont fusionné les zones d’occupation britannique, française et américaine en Allemagne, de 1950 à 1958) ont montré que les gens du côté occidental ou capitaliste restent chez eux et se rapprochent davantage du système capitaliste, tandis que ceux de Berlin-Est ont tendance à fuir leur régime communiste. En 8 ans (1950-1958), plus de 3 millions de personnes se sont échappées de la RDA.

L’Union soviétique, pour contrôler le flux de personnes de la RDA vers la RFA, a érigé le Mur de Berlin en 1961. Malgré le Mur, les gens ont continué à s’échapper. Pendant la période où le Mur était encore debout (1961-1989), 5 075 personnes ont encore traversé la frontière en direction de la RFA. Au début de 1985, Gorbatchev a voulu réformer le Parti communiste de l’Union soviétique. Son leadership modelé sur la perestroïka (restructuration) et la glasnost (ouverture/transparence) (Rieber & Rubinstein, 1991) a eu un impact sur les partis communistes des pays frontaliers occupés par les troupes soviétiques, qui ont finalement été contraints de se réformer radicalement, ou bien d’être évincés du pouvoir au milieu de la vague pro-démocratie, 1988-1990.

Pendant ce temps, les démocraties libérales du monde entier et la mondialisation économique naissante ont continué à défier sérieusement les régimes communistes. Ces deux situations ont contribué à la chute du Mur de Berlin (9 novembre 1989), à la chute des régimes communistes d’Europe centrale et orientale (1989-1991) et à la dissolution du plus grand de ces régimes : l’Union des républiques socialistes soviétiques (décembre 1991) et la fin de la guerre froide (décembre 1991) au profit de la démocratie occidentale. Certains de ces pays ont réussi leur transition vers la démocratie, comme en témoigne leur recours continu à des élections démocratiques bien organisées.

Depuis les années 1990, la Chine, qui a préconisé des réformes économiques alors que ces événements se déroulaient en Europe de l’Est, a ouvert sa porte au marché libre, pour devenir l’une des principales puissances économiques actuelles (Orisma, 2020). La Chine « est vidée de son contenu [socialiste ou] de sa substance » (Braud, 2011). Cela s’est produit non pas parce que la Chine le voulait, mais parce qu’elle a compris que « le capitalisme [est]… intrinsèquement international » (Parkes, 1939), et qu’elle ne peut pas résister au développement de l’économie libérale dans le monde.

En d’autres termes, la Chine a changé non pas parce qu’elle opte pour le libéralisme, mais parce que ses dirigeants ont le sens de l’objectivité, de la stratégie et des convictions en matière de changement et comprennent les possibilités offertes par les marchés américain et européen et le marché du libre-échange, dans son ensemble. Ce processus met également les dirigeants sino-communistes dans une situation où ils doivent comprendre que le système de libre-échange dont nous parlons « reste le seul système dans lequel il est possible de concilier la liberté de l’individu avec les besoins de la société » (Parkes, 1939).  

La fin de la guerre froide a une dimension plus qu’idéologique, laquelle tend à réconcilier les aspirations fondamentales de l’homme avec son quotidien dans un monde unifié et solidaire. Ainsi est envisagée une vie simple et calme dans la satisfaction des besoins primaires en dehors de tout truquage et matraquage idéologique. C’est ce monde dont rêvait Gorbachev, mais il en est parti avec le sentiment d’un travail inachevé. 

Détenteur du Prix Nobel de la paix de 1990, il a au moins évité une explosion violente du bloc de l’Est marquée par des crises internes et divisions internationales. Ainsi, il a relâché sans effusion de sang les partis ou plus précisément les pays communistes de l’Europe centrale et orientale dont la plupart ont opté pour une économie libérale que celle dirigée afin de leur permettre de se réconcilier avec eux-mêmes, d’étendre leurs activités et leurs influences  dès le début des années 90.

En résumé, il fait bon d’imaginer ceci: quand, à partir de 1985, Gorbatchev faisait sentir à tous ses alliés la tendance de libérer les partis communistes du monde entier, où se trouvaient la plupart des supporteurs et partisans actuels qui sont en train d’envisager la reconstitution du bloc déchu ? Les manœuvres de l’actuel président russe Vladimir Poutine avec l’annexion de la Crimée (2014) et la tentative de reconquérir toute l’Ukraine (2022) sont négligeables dans la perspective de cette reconstitution.

Le haut leadership de Poutine serait plus louable d’œuvrer pour la paix dans la région et améliorer son développement socioéconomique que de faire appel à la guerre et créer des crises géopolitiques et humanitaires des plus atroces en ce moment. Basés sur l’ensemble des faits relatés ici et qui ont contribué à la fin de la guerre froide, disons la chute du bloc de l’Est était une nécessité et l’idée de nos jours de le reconstituer est une utopie à tout jamais.

Rhodner J. Orisma, PhD-ABD

Dép.de Phie et Sce Po

Ierah-Iserss

Université d’Etat d’Haïti

Références

  1. Braud, P. (2011). Sociologie Politique. 10th ed. Paris: Lextenso, LGDJ.
  2. Orisma, R.O. (2020). From Revolution to Chaos in Haiti (1804-2019): Urban Problems and Redevelopment Strategies. USA: XLibris.
  3. Parkes, H.B. (1939). Marxism: An autopsy. The University of Chicago: Phoenix Books.
  4. Rieber, A.J., Rubinstein, A.Z. (1991). Perestroika at the Crossroads. New York: M.E. Sharpe.