Il ne peut pas y avoir de déguerpissement sans une décision de justice

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Publié le 2018-07-05 | Le Nouvelliste

National –
« Il ne peut pas y avoir de déguerpissement sans une décision de justice »

C’est ce qu’a fait savoir l’avocat Patrick Laurent qui donnait jeudi matin un avis technique sur ce qui se passe actuellement à Pèlerin 5, où des résidents ont été déguerpis et leurs maisons détruites sur la base d’une note du commissaire du gouvernement de Port-au-Prince adressée au directeur départemental de l’Ouest de la PNH, Berson Soljour. « Le déguerpissement en soi est un terme technique, c’est une décision ordonnant le délogement de la personne concernée ». « Il faut qu’il y ait un jugement pour parler de déguerpissement.

Une simple note ne suffit pas », a indiqué l’homme de loi qui a aussi insisté sur le fait que la plupart des maisons sont habitées. Il pense que cela aurait pu se faire seulement dans le cas où des gens ont pris d’assaut le terrain. Mais s’ils sont déjà établis, cela sous-entend que les gens avaient soit affermé ou acheté et que les autorités étaient bien au courant. Il pense que les autorités ne peuvent pas décider un bon matin de détruire des maisons.

« Vu la requête adressée au commissaire du gouvernement par le directeur général de la Direction générale des Impôts (DGI) en date du 2 juillet 2018 dénonçant des individus qui occupent de manière illégale des espaces faisant partie intégrante des domaines privés de l’État ; vu que l’espace occupé illégalement est à proximité de la résidence officielle de la famille présidentielle; vu que l’occupation illégale de cette portion de terre, domaine privé de l’État, menace la vie et la sécurité de la famille présidentielle; le commissaire du gouvernement près le tribunal de première instance de Port-au-Prince vous requiert de prendre toutes les mesures jugées utiles et nécessaires pour que ces occupants illégaux du domaine privé de l’État soient immédiatement délogés afin que la sécurité des honnêtes gens de la zone soit convenablement assurée », lit-on dans la note du commissaire du gouvernement.

On entend par domaine privé de l’État tous les biens dont dispose l’État et sur lesquels il peut transiger, c’est-à-dire les vendre ou les louer. Il peut s’agir d’un terrain ou d’un bâtiment qui sont tombés dans le domaine privé obtenus suite à une confiscation pour une raison quelconque, a expliqué Patrick Laurent. Mais, pour l’homme de loi, un terrain ou un bâtiment ne tombe pas dans le domaine privé de l’État automatiquement que ceux qui se font passer pour en être les propriétaires ne puissent pas fournir les titres de propriété. « Ce n’est pas parce que quelqu’un ne peut pas fournir les titres de propriété d’un terrain que ce dernier tombe dans le domaine privé de l’État », a indiqué Me Patrick Laurent.

L’État devrait être en mesure d’identifier les terres qui lui appartiennent. Au même titre que les gens sont fichés, les terres de l’État devrait l’être aussi. Sinon, on peut tomber dans un grand désordre, estime l’homme de loi. Me Patrick Laurent a cependant souligné qu’il n’y a pas de prescription contre l’État. Quelqu’un peut certes présenter les documents prouvant qu’une portion de terre dans une zone quelconque lui appartient, cela n’empêchera pas l’Etat d’en prendre la possession si la DGI a découvert dans ses archives que le terrain en question appartenait à l’État, a précisé Patrick Laurent.

C’est inacceptable

Le commissaire du gouvernement n’est pas au-dessus de la loi. Il ne peut pas demander au directeur départemental de l’Ouest de la PNH de déguerpir les gens sur la base d’une simple note sous prétexte qu’ils représentent une menace pour la famille présidentielle, a réagi Pierre Espérance du RNDDH. C’est inacceptable, tonne le défenseur des droits de l’homme. Il regrette que le directeur départemental de l’Ouest ait exécuté une « décision illégale, arbitraire et discriminatoire ». Le responsable du Réseau national de défense des droits humains estime que c’est la vassalisation de la PNH par l’exécutif qui commence à porter ses fruits. Pierre Espérance encourage les citoyens de Pèlerin 5 dont les maisons ont été détruites à porter plainte contre le commissaire du gouvernement ainsi que le directeur départemental de l’Ouest de la Police nationale d’Haïti.

Danio Darius

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