Jean Horel Jeudi, un leader au courage inusable

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HADSON A. ALBERT: 24 JULY 2018 ACTUALITÉS LOCALES Jean Horel Jeudi, un leader au courage inusable. Photo: Estailove St-Val

20 juillet dernier, le ministre de l’Education nationale a honoré Jean Horel Jeudi, 76 ans, pour sa réussite remarquée aux dernières épreuves des examens officiels de 9e année Fondamentale. Il y a quelques années, Pè Horel est retourné sur les bancs de l’école afin de montrer l’exemple aux jeunes de La Chaussée, 2e section communale de Boucan-Carré, frappées par la précarité et la situation socioéconomique difficile du pays. Homme modeste et très respecté dans sa communauté, les années n’ont pas su défraichir son leadership et sa bravoure.

Jean Horel Jeudi se souvient très bien de ses débuts à l’école. Pendant son enfance, il a dû utiliser toutes ses armes pour faire face à la réticence de son père qui n’a pas voulu investir ses maigres moyens dans son éducation. Au final, ce dernier cèdera. Après avoir vendu un pourceau qu’il avait acquis dans un pariage contre un paysan de la localité, il se chargera de la première année de Horel et de ses deux frères aînés.

Pour continuer à payer ses études et espérer une deuxième année scolaire, Jeudi Jean Horel va habiter à Saut-d’Eau, loin de sa famille pour s’adonner aux activités de métayage. Mais, les efforts du jeune paysan ne lui mèneront pas trop loin. « Les conditions économiques difficiles et la mort de ma mère m’ont forcé d’abandonner mes études classiques au niveau élémentaire. J’étais obligé de me marier très jeune après que ma première femme eut tombée enceinte », affirme M. Jeudi qui ne pouvait, dès lors, associer ses responsabilités familiales avec ses études.

Un leader né

Jeudi Jean Horel est un homme engagé dans les actions communautaires de La Chaussée. Après avoir été lauréat dans un concours d’admission pour les cadres du programme d’alphabétisation lancé sous le régime des Duvalier, le septuagénaire, est resté longtemps, un enseignant incontournable pour les citoyens illettrés de sa communauté. « Ensuite, j’ai été promu au grade d’inspecteur régional après avoir été lauréat d’un deuxième concours », poursuit le leader qui a eu 16 écoles d’alphabétisation sous sa direction à l’époque.

Quelques années après, il occupe le poste d’animateur polyvalent au sein du programme puis, en 2001, devient responsable du programme alimentaire dans une école de la localité de Dufailly. « C’est à ce moment que j’ai fait savoir mes intentions de poursuivre mes études au directeur de l’établissement que j’ai fini par convaincre difficilement ».

Tous les jours, l’intéressé participe aux cours du soir après avoir effectué ses tâches domestiques. Et, après deux années Jean Horel Jeudi obtient son certificat après avoir subi les examens de 6e année fondamentale. Il suit des cours de médecine vétérinaire pendant un an. Il devient, quelques mois plus tard, le président de l’école vétérinaire où il a eu son diplôme.

Mais, Jean Horel Jeudi reste avant tout un homme de terrain. Jusqu’à présent, il visite régulièrement les paysans de Boucan-Carré et des localités avoisinantes pour consulter leur bétail. D’ailleurs, il entretient de bonnes relations avec ces derniers à travers les associations qu’il a dirigées. Quelques années auparavant, il les a réunis pour construire la route reliant la commune de « Pouye » à celle de Dupont. Il a également participé à des programmes de vaccination pour les femmes enceintes, des campagnes de reboisement et d’élevage à Boucan Carré.

Un modèle pour les habitants de Boucan-Carré

Les mauvaises conditions économiques ne peuvent plus empêcher Jean Horel Jeudi de poursuivre ses rêves pour une seconde fois. Il trace surtout l’exemple pour les jeunes écoliers de l’Ecole Nationale de Dupont et pour tous les habitants de sa commune. En témoigne le directeur de l’établissement, Guinel Destin, qui lui offre toujours son aide au besoin.

« Pè Horel reste toujours après les heures de cours pour travailler seul ou en équipe », explique-t-il au milieu d’un groupe d’élèves réunis sur la cour de l’école pour assister à un match de la coupe du monde diffusé en direct. Depuis qu’il a intégré l’école, Jean Horel Jeudi est toujours lauréat. Ce qui surprend un peu plus son directeur, M. Destin.

Pour se rendre à l’école, Jean Horel Jeudi doit traverser la rivière de l’Artibonite à bord d’un canot avant de marcher près d’un kilomètre pour atteindre sa classe. Il raconte que, voyant sa détermination, les canotiers ne lui font plus payer pour traverser la rivière. Jean Horel Jeudi a donc conquis le cœur des siens.

Retrouvé sur la cour de l’Ecole Nationale de Dupont, son neveu Chrispin Jean-Claude n’a pas manqué d’exprimer sa fierté et tout le respect qu’il doit à Pè Horel. « C’est un leader incontournable pour les habitants de Boucan Carré. Il est toujours prêt à prendre des initiatives louables pour le développement de la communauté », dit Chrispin.

De son côté, le député de Boucan-Carré, Jude Jean, est déterminé à aider Jean Horel Jeudi à accomplir son idéal. Les deux hommes se côtoient depuis des années et le parlementaire soutient le sexagénaire depuis qu’il a repris ses études. Actuellement, le seul lycée de Boucan-Carré se trouve au centre-ville. Une situation qui se révèle compliquée pour les prochaines années scolaires de Jean Horel Jeudi qui compte, malgré tout, poursuivre ses études jusqu’au niveau supérieur. « Je veux inspirer les jeunes à l’instar de Toussaint Louverture qui a appris à lire très tard au cours de sa vie », finit Jean Horel Jeudi qui évoque l’état la société haïtienne à cause de l’effritement et la dégradation des valeurs.

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