Haïti | Témoignage d’un journaliste : A Cabaret, j’habite à proximité de la mort

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By: Rezo Nodwes – 4 janvier 2023

par Bidler Nelson

Mercredi 4 janvier 2023 ((rezonodwes.com))–

Depuis un certain temps, j’ai repris mes bonnes et vieilles habitudes. Je me lève tôt le matin pour aller courir. Le sport me guide. Il me tient en bonne santé. Je recommence à le faire pour me relaxer, ou parfois pour être plus productif dans mes écrits. Car, pour dire vrai, faire du sport stimule ma créativité et me fait trouver l’inspiration.

Pour ceux qui ne le savent pas, j’habite à Cabaret, une commune du département de l’Ouest d’Haïti.

C’est une ville qui mène vers l’Artibonite, un autre département du pays. Tout le long du trajet, sur la route nationale #1, on frôle la mort, à chaque jour.

Canaan, Titanyen, Source-Matelas, toutes ces zones se transforment peu à peu en de véritables abattoirs.

À l’entrée de la ville, les gangs imposent leurs lois. Ils tuent, violent et brûlent. Personne n’est à l’abri. Si on passe dans leurs territoires, on a de fortes chances de se faire rançonner ou violer. Quant à la police, elle est quasiment absente à ces endroits.

Mon amie Wadeline a frôlé la mort ce dimanche 1er janvier 2023, jour de commémoration de l’indépendance de notre pays, Haïti. Elle s’était rendue à Port-au-Prince pour récupérer un téléphone portable que son petit ami a acheté pour elle en République dominicaine.

Comme elle, je devais partir tôt le matin. Je devais me rendre à l’Arcahaie, ma ville natale, pour aller visiter ma famille et réaliser un reportage pour le journal en ligne Rezo Nòdwès.

Alors que je commençais à travailler sur mon reportage, j’ai reçu un appel pressant de mon grand frère m’informant qu’il y a une querelle dans la famille, et que je devais m’en occuper pour que le calme puisse reprendre place au plus vite.

Pourtant, l’inquiétude n’a cessé de tenailler sa famille et ses proches. En dépit de sa bravoure, comme tout un chacun, elle savait très bien ce qui l’attendait en traversant le territoire de ces monstres. Il faut le dire, la jeune femme n’a pas l’habitude de faire face à ce genre de situation.

Heureusement, Wadeline, en allant à la capitale, n’a rencontré aucun obstacle sur son chemin.

Au retour de Port-au-Prince, par contre, des membres de gangs armés ont braqué le tap-tap dans lequel elle se trouvait.

Wadeline a vu la mort en face… En un clin d’œil, le désespoir l’a envahi jusqu’au tréfond de l’âme. Idem pour sa cousine qui l’accompagnait.

Honnêtement, j’avais le pressentiment que quelque chose de mal allait arriver et j’ai tenté vainement de la joindre au téléphone. Je comprends bien pourquoi elle n’était pas joignable en ce moment-là.

Les bandits, lourdement armés, ont fouillé le véhicule de fond en comble et ont tout emporté. Bijoux, téléphones, argent, et autres objets ayant une quelconque valeur.

Ils en ont profité pour insulter les passagers et frapper certains d’entre eux. Heureusement, toutes les victimes ont eu la vie sauve. Contrairement à d’autres voyageurs, Wadeline et ses compagnons de fortune ont échappé à d’éventuels viols et tuerie. Car, ces criminels planifient leurs forfaits et les jours pour faire couler le sang innocent.

Ce matin, en allant courir, les péripéties de Wadeline me sont venues à l’esprit. 6h30, je fais une pause et je choisis de vous narrer ce qui est arrivé à mon amie.

Quant à Wadeline, le stress de l’événement a failli la conduire à l’hôpital. Elle a du se précipiter sur des remèdes naturels (feuilles) pour reprendre des forces et stopper le  »mauvais sang ».

Et moi entre temps, je continue de faire du sport pour venir vous raconter bientôt, l’histoire d’un autre habitant de la ville de Cabaret.

Une ville où chaque citoyen qui ose en sortir risque de ne plus y revenir ou d’y être ramené les deux pieds devant.

Une ville coupée du reste du monde par des gangs tout-puissants qui établissent en toute impunité des frontières comme celles existant entre des pays limitrophes.

Bidler Nelson
bidlernelson@gmail.com